Avec la crise de l'euro, un certain nombre de pays dont le cours de la monnaie est fixé à l'euro envisageraient de rattacher leur devise à une autre monnaie stable, voire à un panier de monnaies. Qu'en est-il des pays d'Afrique de l'Ouest dont le Franc CFA est en parité fixe avec l'euro ?
La question est sur toutes les lèvres ou presque des économistes et financiers africains : va-t-on aller vers une dévaluation du franc CFA ? Certes, autorités et banquiers se veulent rassurants face à des rumeurs qui vont bon train ... mais ne dit-on pas qu'il n'y a pas de fumée sans feux ?
Dans un entretien paru vendredi, dans l'hebdomadaire sénégalais Nouvel Horizon, la directrice nationale au Sénégal de la Banque centrale des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Bceao), Fatimatou Zahra Diop, a souhaité donner quelques arguments plaidant contre l'éventualité d'une dévaluation du franc CFA. "Sous ces considérations, je le répète, aucun élément sur le plan macro-économique ne milite pour une dévaluation du Franc CFA", a-t-elle indiqué.
Ses arguments ? La financière rappelle que "la situation actuelle des pays de l'Union économique et monétaire ouest africaine (Uemoa) reste marquée par une hausse de la croissance qui est passée de 2,9% en 2006 à 4,3% en 2010 dans un contexte de maîtrise du taux d'inflation limité à 1,4% en 2010". Elle note également que les réserves de change de la Bceao se situent à un niveau satisfaisant, assurant selon elle un taux de couverture de la monnaie largement au-dessus de la norme de 20% requise.
"S'agissant de la balance des paiements des pays de l'Uemoa, à l'exception de l'année 2008 fortement affectée par les crises énergétique et alimentaire mondiales, le solde global est resté excédentaire durant les cinq dernières années, passant de 129,2 milliards en 2005 à 674,1 milliards en 2011", précise-t-elle également. Certes, reconnaît-elle "le contexte international marqué par une crise financière grave touchant tous les grands pays suscite des interrogations, compte tenu des difficultés de l'euro et de ses conséquences sur le franc CFA".
"Nous voudrions, à cet égard, indiquer qu'il n'a jamais été question, depuis janvier 1994, date de fixation du taux de change actuel, d'envisager une modification de la parité du franc CFA vis-à-vis de l'euro", a-t-elle martelé.
"Dans un contexte de mondialisation, a-t-elle ajouté, lorsqu'un pays ou une Zone dispose d'une monnaie convertible, arrimée à une autre monnaie selon une parité fixe, les variations sur le marché du cours de cette dernière ont des impacts divers, tant en termes d'avantages que d'inconvénients", a-t-elle ajouté.
"Le choix éventuel de l'indexation du franc CFA à un panier de monnaies comme l'arrimage actuel à l'euro, présente des avantages et des inconvénients", a-t-elle estimé, relevant que "la seule compétitivité durable est celle acquise à travers des efforts internes d'amélioration de la disponibilité des facteurs de production et de leur accessibilité".
Selon, Sanou Mbaye, ancien cadre à la Banque africaine de développement et économiste sénégalais, le "franc CFA ne profite pas aux économies africaines ni aux populations locales" arguant que c'est la France qui en tire les bénéfices, notamment en période de crise économique. Selon lui l'enjeu du dossier est bien là : "dévaluer le Franc CFA permettrait ainsi à la France de mieux résister à la crise".
Pour lui, les conséquences d'une dévaluation seraient catastrophiques. De telles mesures étant même susceptibles de créer "une implosion", tant "les conditions de vies des populations se détérioreraient".
Il estime par ailleurs que les pays de la zone franc ne pourraient pas faire face à une nouvelle dévaluation le cas échéant, ne disposant de rien d'autres à exporter - en grande partie vers la l'Europe et la France - que des matières premières, sans être en mesure de réduire leurs importations.
De sérieux avantages pour la France mais un véritable danger économique et social pour l'Afrique... Sanou Mbaye considère enfin que le taux de change élevé du Franc CFA permet aux entreprises françaises telles que Bouygues, Société générale, BNP Paribas, Bolloré, d'éviter toute dépréciation de leur gain.